En Pologne, l’ampleur inédite du déploiement du système Pegasus


Jaroslaw Kaczynski (au centre), chef du parti Droit et justice, lors d’une conférence de presse devant le Parlement polonais, à Varsovie, le 7 février 2024.

L’affaire est d’ores et déjà considérée par de nombreux observateurs comme le scandale politique le plus important en Pologne depuis la chute du communisme, celui qui symbolise le mieux les dérives autoritaires du parti national conservateur Droit et justice (PiS), au pouvoir entre 2015 et 2023. L’utilisation du logiciel espion Pegasus, redoutable outil d’infiltration des smartphones, par les services de renseignement de la formation de Jaroslaw Kaczynski, l’ex-homme fort du pays, sera au cœur d’une commission d’enquête parlementaire, dont les travaux ont commencé le 19 février. Parmi les premiers témoins cités à comparaître : Jaroslaw Kaczynski lui-même, dont l’audition est prévue le 15 mars, l’ancienne cheffe du gouvernement Beata Szydlo, les ex-ministres de la justice et de l’intérieur, Zbigniew Ziobro et Mariusz Kaminski.

« L’objectif de nos travaux est d’amener à l’ouverture d’enquêtes judiciaires, que les responsables d’abus de pouvoir répondent de leurs actes, affirme au Monde la présidente de la commission d’enquête, Magdalena Sroka, du parti conservateur PSL. Nous avons toutes les raisons de penser que le système Pegasus fonctionnait en dehors de tout cadre légal, aussi bien pour des affaires de natures criminelles que dans des cas aux preuves peu crédibles, motivés par des raisons politiques. »

Depuis sa mise au grand jour en décembre 2021 par l’agence Associated Press, sur la base d’informations fournies par l’organisation canadienne Citizen Lab, l’affaire de l’utilisation en Pologne du logiciel controversé de la société israélienne NSO Group ne cesse d’électriser l’opinion publique et la classe politique. Les révélations successives de la presse polonaise amènent au constat que parmi les démocraties occidentales, l’ampleur de l’usage de cet outil avait, dans le pays, un caractère inédit. Il s’agirait de près de 7 000 licences acquises (donnant le droit à autant « d’infections » unitaires) pour plusieurs centaines de personnes visées, dont de nombreux membres de premier plan de l’opposition démocrate, qui luttait à l’époque avec le PiS pour le respect des normes de l’Etat de droit. Certains membres de la commission d’enquête évoquent jusqu’à une centaine de cas « douteux. »

Ces circonstances ont amené le gouvernement israélien à retirer les licences du logiciel au gouvernement polonais, un mois avant que l’affaire n’éclate au grand jour – il en a fait de même, alors, pour le gouvernement hongrois.

La liste des personnes visées connue à ce jour, qui comporte une vingtaine de noms, parle d’elle-même. Certains cas sont particulièrement emblématiques. Tout d’abord, celui de Krzysztof Brejza, le chef de campagne de la Plate-forme civique (centre droit), alors principal parti d’opposition, dont le téléphone a été infecté à quarante reprises pendant les campagnes électorales européennes et législatives, entre mars et octobre 2019. Ensuite, celui de Roman Giertych, avocat parmi les plus influent de Varsovie et représentant de nombreux poids lourds politiques et hommes d’affaires libéraux, dont l’ancien et actuel premier ministre Donald Tusk, l’ancien et actuel ministre des affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, ou l’ex-ministre des finances Jacek Rostowski.

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